Génocide rwandais : « Tu es vivant, donc tu es coupable ! »

Publié le par gaspard-musabyimana

17. avr | Par Echos d'Afrique | Catégorie: ActualitésEdit

 

Attentat contre l'avion du président Habyarimana le 06/04/1994

Attentat contre l'avion du président Habyarimana le 06/04/1994

Alors que les Rwandais commémorent, au cours de ce mois d’Avril, le 17ème anniversaire du génocide rwandais, la justice canadienne vient de se prononcer sur le dossier de Jean-Léonard Teganya, un Montréalais d’origine rwandaise, qui fait face à des accusations de « complicité par association » dans le contexte du génocide rwandais. Selon le verdict de culpabilité prononcé à son encontre, M. Teganya serait coupable puisqu’ « il est sorti indemne » des délirantes tueries de 1994 qui ont culminé en génocide au Rwanda.

Le Canada a, dès le lendemain du tsunami social que fut le génocide rwandais, apporté une contribution substantielle au gouvernement du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame qui avait fait le pari de relever un défi titanesque de redresser le Rwanda et de l’engager sur la voie de la justice  pour mieux amorcer le chantier de la réconciliation des Rwandais.

Ce fut particulièrement vrai dans le domaine de la justice. À cet égard, le Canada s’est distingué parmi les acteurs internationaux partenaires du Rwanda. Des procès ont été intentés, d’autres suivent leur « bonhomme  de chemin », contre des ressortissants rwandais au sujet desquels le gouvernement du Canada a eu des raisons de croire qu’ils avaient été complices de crimes contre l’humanité durant la sombre histoire du Rwanda des années 90.

Mais le cas de Jean-Léonard Teganya est quelque peu particulier. Rappelons brièvement les faits : M. Teganya est arrivé au Canada en novembre 1999. En 1994, il était étudiant à la faculté de médecine de l’Université nationale du Rwanda, à Butare (sud du pays). À cette époque, le Rwanda était à feu et à sang. Aucun coin du pays n’était un havre de paix. Un état d’urgence et un couvre-feu avaient été décrétés par les autorités. M. Teganya n’a donc pas pu fuir Butare et est resté à l’hôpital, auprès de ses malades.  À son arrivée au Canada, il a soumis une demande de statut de réfugié. Son cas fut entendu pour la première fois en 2002. Sa demande fut rejetée en vertu de la Loi sur  l’immigration et la protection des réfugiés. Depuis lors, les multiples tentatives qu’il a faites pour renverser la vapeur se sont avérées vaines. Il risque  aujourd’hui l’extradition puisque Citoyenneté et Immigration Canada a conclu que M. Teganya était exclu de l’application de la définition de réfugié au sens de la « Convention  des Nations unies relative au statut des réfugiés ». Et le juge de s’interroger dans un verdict sans appel : « En laissant vivant [c’est nous qui soulignons] le demandeur qui n’est pas Tutsi, n’est-il pas raisonnable de penser que les Hutus extrémistes avaient toutes les raisons de croire que le demandeur n’était pas un Hutu modéré et qu’il partageait le même dessein soit celui d’éliminer les Tutsis et les Hutus modérés? ».

C’est comme si, un jour, un citoyen ivoirien, actuellement « coincé » à Abidjan, en Côte d’Ivoire, – une région du monde qui a été, au cours des dernières semaines, en proie à une guerre sans merci -, devait plus tard payer de sa « complicité » des crimes éventuels  contre l’humanité qui se commettraient lors des combats en cours dans la capitale ivoirienne.

Est-ce à dire que la jurisprudence pourrait s’étendre à tout individu qui était au Rwanda en 1994,  qui est resté en vie,  qui n’a pas pu s’exfiltrer  de la zone des crimes et qui, plus tard, après avoir tout laissé derrière pour avoir la vie sauve, a trouvé protection au Canada?

Augustin Baziramwabo, Président
Communauté des immigrants rwandais de la région d’Ottawa-Gatineau (CIRO)
Gatineau, Québec, Canada

 

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